Les Gaudes
La Farine de Maïs Torréfié
Qu’est-ce que les gaudes et farine de maïs grillé ?
Le maïs venu d’Amérique, devenu un aliment de base de l’alimentation quotidienne des familles paysannes les plus modestes, est aujourd’hui par sa torréfaction au feu de bois, un élément du terroir local apprécié de la gastronomie, des artisans boulangers et chefs de renom.
Découvrez ce patrimoine Franc-Comtois Bressan autour la farine de maïs torréfié…
Définition et terminologie
Notez tout d’abord que le terme désigne plusieurs choses selon le context, la région et l’héritage du langage parlé localement (patois) :
- Les Gaudes :
Le plus couramment utilisé.- La bouillie (ou soupe de gaudes) préparée à base de farine de maïs torréfié.
- La Farine de maïs torréfié ou grillé (farine de gaudes), par raccourci du langage.
- La Gaude :
Désigne plus précisément pour certains, la farine de maïs torréfié, servant donc à la préparation des gaudes (la soupe bouillie).
Ainsi, vous trouverez donc la recette des Gaudes Comtoises ou la recette des Gaudes Bressanes, pour désigner ce plat régional traditionnel, ou encore pour savoir où trouver des gaudes, la farine dorée et odorante, qui en est son ingrédient principal.
Aujourd’hui, le terme « gaudes » au pluriel est généralement réservé à la farine de maïs torréfié et à la soupe (bouillie) cuisinée avec. Cependant, en Bresse on distinguait les gaudes blanches à base de maïs non grillé et les gaudes jaunes à base de maïs encore en lait et grillé.
L’utilisation de la farine de gaudes est également déclinée en sablés à base de gaudes, ou sablés aux gaudes, gâteaux de gaudes, crêpes aux gaudes etc… Même si on peut parfois entendre « … à la gaude »
Étymologie des Gaudes
D’où vient le nom des « gaudes » ?
Quel est l’origine de « gaude » ?
L’origine exacte du mot gaudes pour désigner cette bouillie, ou soupe de farine de maïs torréfié, reste incertaine, mais plusieurs hypothèses sont données par des anciens du pays ou par la littérature.
Des Gaudes savoureuses ?
Tout d’abord, le rapprochement peut être fait avec le latin gaudēre signifiant « se réjouir », ou gaude te voulant dire « réjouis-toi » ou encore dans sa forme gaudeamus pour « réjouissons-nous ».
Mais alors, quel rapport avec c’est bouillie de maïs grillé ?
Certains vous dirons que c’est ironique et sur le ton de la plaisanterie, mais si l’on se remet dans le context de l’époque, cela peut avoir du sens.
En effet, il faut se rappeler qu’a l’époque, la situation socio-économique des familles paysannes restent très modeste, voire pauvre, les repas sont simples, peu variés et l’on mange rarement à sa faim.
L’introduction de ce plat odorant, savoureux et surtout qui tient bien au ventre, était sans doute une amélioration de l’alimentation ordinaire des familles paysannes.
De plus, dans le context socio-culturel de l’époque, les familles paysannes sont pour la plupart pieuses et de confession catholique. Les repas sont particulièrement importants et généralement précédés du Bénédicité : prière d’Action de Grâce, exprimant la gratitude pour le repas qui va pouvoir être pris.
On peut donc également faire un possible rapprochement avec le nom commun gaudé, désignant une antienne ou oraison commençant par gaude te («réjouis-toi»), prière, ou chant provençal en l’honneur de la Vierge.
Et vous, jadis ?
Dans ce context, apprécieriez-vous de « savourer » des gaudes matin, midi et soir, ou du moins, quand ses repas étaient possibles ? Miam ! …
Similarités des Gaudes
D’autres origines possibles pourraient venir de la couleur et de l’aspect des gaudes, ayant peut-être inspiré le nom de cet aliment nouveau, qu’il fallait bien désigner avec les mots de l’époque.
Avant l’arrivée du maïs dans la région, soit aux XV° et XVI° siècles, les paysants mangeaient déjà de la bouillie réalisée à partir de diverses farines connues, comme le blé, l’avoine, le sarrasin ou millet.
Le millas est d’ailleurs une spécialité culinaire du sud-ouest de la France à base de millet et qui remonterait jusqu’au temps les Gaulois, d’après l’analyse d’anciens récipients trouvés dans un puits de l’oppidum de Vieille-Toulouse en Haute-Garonne.
On remarque également une métonymie du langage en provençal avec « gaudo » ou en Gascogne avec « gaoudo » désignant une jatte de bois (le contenant), mais aussi la bouillie (le contenu).
Enfin, le rapprochement entre la plante tinctoriale jaune et la couleur des gaudes est plausible.
La Réséda des teinturiers (Reseda luteola ou Gaude des teinturiers).
Il s’agit d’une plante bisannuelle de la famille des Résédacées, poussant en Europe, autrefois cultivée pour servir à la teinture des tissus en jaune, à partir du XIII° siècle, fabriquée à partir tiges et les feuilles de cette plante.
On y retrouve ainsi ce sens dans le verbe
gauder : Teindre une étoffe avec de la gaude.
L’histoire des Gaudes
Le mystère du maïs
L’origine botanique du maïs tel que nous connaissons aujourd’hui, reste un mystère encore mal résolu par les biologistes, car ce dernier n’existe pas à l’état sauvage.
Le Téosinte, une graminée sauvage mexicaine serait l’ancêtre du maïs, d’apres la plupart de biologistes, mais leur différences morphologiques et génétiques importantes remettent cette théorie en question.
Le maïs en France
Le maïs cultivé chez nous, trouve ses origines en Amérique centrale et plus précisément dans la région du Mexique méridional, Guatemala, Belize : le pays des Mayas, Honduras et Salvador.
Il daterait d’environ 7000 ans et était déjà à la base des civilisations Aztèque, Maya et Inca.
C’est Christophe Colomb qui rapporta le maïs du Nouveau Monde, à son retour, à Séville en Espagne, le 15 mars 1493, dès son premier voyage.
On retrouve sa trace vers 1530, dans la régions de Venise en Italie, mais sous l’appelation de Blé de Turquie, ou dans le sud-ouest de la France sous le nom de Blé d’Espagne.
Il traverse l’Italie, donnant la Polenta, puis remonte le long du chemin des Espagnols, l’actuelle route nationale 83 et arrive jusqu’en Franche-Comté au début du XVII° siècle.
Il est notamment attesté dans plusieurs communes de la région :
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- 1611 : Flacey-en-Bresse (71580)
- 1612 : Montpont-en-Bresse (71470)
- 1625 : Louhans (71500)
- 1629 : Chilly-le-Vignoble (39570)
- 1639 : Courbouzon (39570) et Arbois (39600)
- 1640 : Dole (39100)
- 1664 : Champlitte (70600)
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En Bresse, le maïs fait sont apparition dans les années 1620 et devient vite populaire pour sa meilleur productivité, nourrissant familles et animaux de la ferme, dont le bien célèbre Poulet de Bresse.
{plus à suivre…}
Références
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- 100 Recettes de Gaudes – 6ème Édition 2018 — Henri Meunier, Les Alwati : groupe traditionnel comtois
- Célébration des gaudes. Autrefois plat national comtois — Robert Bichet
- La Racontotte, n° 42 Spécial Gaudes, Octobre 1993
- Fabuleux maïs, histoire et avenir d’une plante — Jean-Pierre Gay, AGPM, 1984
- Vieille-Toulouse : du milhàs dans un puits gaulois ? — N. Garnier, J. Vial et L. Pédoussaut – Archéothéma n° 37, nov-déc 2014
- Centre national de ressources textuelles et lexicales
- Maison de Pays en Bresse, 01370 St. Étienne-du-Bois